lundi 10 novembre 2014

En attendant l'émergence...


L’émergence au Cameroun c’est en 2035. Ah sans rêver les gars ce n’est pas comme ça que ça marche! Si c’est même vrai, c’est que c’est encore en projet et en slogan si l’on ne s’abuse. En attendant l’émergence, un fait m’a spécialement marqué la semaine dernière: l’anniversaire du 06 Novembre. Oui, l’accession de M. Paul BIYA à la magistrature suprême. Dans un discours savant tenu par le chargé de la communication du parti du "Renouveau", un éminent professeur comme on aime les appeler, les 32 ans de règne sans partage du président actuel  témoigne de sa maturité mieux de son "âge de sagesse". Soit ! Mais au vu tout ce qui se vit au quotidienla pilule est trop difficile à avaler. Et du coup, une question trotte dans ma tête: comment  projette-t-on arriver à l’émergence et avec quelle génération? L’eldorado qu’on nous miroite d’ici 2035 est peut-être possible mais avant, une douche des habitudes têtues de cette nation des grands slogans est nécessaire.
                         
La gérontocratie, ça va finir quand ?

Il est de notoriété publique qu'en Afrique, la sagesse soit l’apanage des vieux. Mais pour ce qui est du gouvernement camerounais, cette réalité reste discutable tant les écarts de conduite dans la gestion des affaires publiques par ses vieux est nulle et difficilement perceptible.  Dans ce pays, il faut être d’un certain âge pour assumer certains postes et privilèges de l’Etat.  Ceci est d’autant plus vrai que plusieurs dirigeants des entreprises publiques, âgés presque tous d’une cinquante d’années au moins, ont confisqué leurs postes et ce, depuis près de 20 ans. Le cas de LANAVET (Laboratoire National Vétérinaire) dans la banlieue de Garoua, illustre bien cette pratique. 
Si le Renouveau et ses 32 ans de règne doit accompagner l’émergence en 2035, il faudrait au préalable que ceux qui sont aux commandes comprennent que leurs visions du monde, déjà obsolètes, ont atteint leurs limites. Eu égard des enjeux présents et de la réactivité requise, l’alternance générationnelle est une nécessité et je ne crois pas qu’à 60 ans et plus, on ait le même punch qu’un jeune compétent qui maîtrise mieux les besoins et les dynamiques de cette donne. Mais bon c’est le Cameroun ! On prend les même et on recommence, en mal et tant pis !

Le délestage éducatif, une panne à réparer.

A l’évidence, l’école publique camerounaise ne peut plus se vanter d’être un modèle à quelques années de l’émergence. L’éducation ici au lieu d’être un laboratoire de l’excellence, s’égare dans les méandres des programmes en totale opposition avec les buts immédiats de celle-ci. Si quelques grandes écoles sortent du lot, la grande majorité navigue encore à vue dans ses tempêtes de problèmes. Les ZEP ne sont pas des priorités au sens élémentaire du terme. Elles sont les mal loties du système éducatif : manque de salle des classes et enseignants qualifiés, etc. Les structures entre les villes et les campagnes ont deux visages totalement différents (http://lepetiecolier.mondoblog.org/2014/11/01/zones-education-prioritaire-zep/). Et l’université de troisième génération tant prônée, suffoque dans les amphis bondés et les contenus à tâtons du système LMD. "Un étudiant Un emploi" vous avez dit ! Répétez-le à un diplômé en master qui n’a jamais eu la chance d’être retenu pour un stage même académique. Que de la flûte ! Et puis quoi  32 ans de règne, c’est "l’âge de la sagesse" ?  Normal !

La marginalisation de la jeunesse freine l’émergence.

La jeunesse est le fer de lance de la nation. Qui n’a pas écouté ce disque rayé qu’on nous
ressasse au besoin! Pourtant dans les faits, la réalité est toute brûlante. Celle-ci est carrément mise au ban et s’affirme désespérément dans le circuit de la débrouillardise quand elle ne s’avilit pas dans l’alcool et le grand banditisme. Le dynamisme de cette jeunesse devrait être une donnée capitale dans la mise en œuvre de l’émergence mais celle-ci reste toujours marginalisée.
Les programmes tels que le PAJER-U (programme d’Appui à la Jeunesse Rurale et Urbaine) et bien d’autres mis sur pieds pour aider cette jeunesse à s’épanouir dans son entreprise, sont des miroirs aux alouettes. Ils sont victimes de leurs propres objectifs mal définis au bout d’une certaine période et ne sont en rien des leviers pour l’entrepreneuriat des jeunes, moyeu de l’émergence. Je me demande bien s’ils existent même encore tellement on entend plus parler.  Et  du coup, cet entrepreneuriat des jeunes  qui se fait dans l’ombre et au prix d’énormes sacrifices, s’il n’est pas labellisé de projet immature, trouve immanquablement porte close au seuil de ces programmes bancals qui trient les projets par affinités en plus. 


Au vu de ces quelques faits saillants et d’autres plus graves encore, je réalise que le chemin vers 2035 semble long et éprouvant. En attendant l’émergence, voici le compte de tout ce que nous avons capitalisé entre temps. Les statistiques de la gouvernance et du développement entre 2013-2014. Au classement de l’Indice de Développement Humain (IDH), le Cameroun est 152ème sur 187 pays évalués. Au classement de l’Indice de Perception de la Corruption (IPC), de Transparency International, on est 114ème sur les 175 pays sondés. A l’Indice Ibrahim de la Gouvernance Africaine (IIAG), on occupe la 34ème place sur les 52 classés. Et à l’indice de l’émergence,  nous sommes 1er sur 2035 ? Dans les rêves messieurs. On ne gouverne pas par slogan; vous avez eu trois décennies et poussières pour le comprendre!

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